Gérard Niyondiko « Grâce au Faso Soap, les gens pourront se protéger contre le paludisme sans même le savoir »

A l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le paludisme, je vous parlais de l’exceptionnelle levée de fonds réalisée par les promoteurs du Faso Soap. Aujourd’hui, j’ai le plaisir d’interviewer Gérard Niyondiko, figure de proue de ce projet innovant de lutte contre le paludisme. Merci à mon cher ami Aaron Akinocho et à Lisa Barutel pour cette magnifique opportunité. Merci également à Mat Let pour son formidable travail d’illustration.

Mondesanspalu.com :Bonjour Gérard, merci d’avoir accepté d’accorder cette interview à mondesanspalu.com. Avant tout, pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs s’il vous plait ?

Gérard Niyondiko: Moi c’est Gérard Niyondiko, je suis de nationalité burundaise, j’ai 39 ans, marié et père de cinq enfants dont trois garçons et deux filles. J’ai une licence en Chimie (obtenue au Burundi) et un master en assainissement de l’Institut d’Ingénierie de l’Eau et de l’Environnement 2iE de Ouagadougou. Par le passé, j’ai occupé différents postes comme professeur de chimie au Lycée au Burundi et dans certaines entreprises locales à Bujumbura depuis 2005, avant de reprendre mes études à Ouaga en 2012. Je vis aujourd’hui à Ouagadougou, au Burkina Faso, avec ma famille.

MSP.COM : Comment avez-vous connu Moctar Dembélé et d’où est partie l’idée de la mise au point du Faso Soap ?

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Les carnets de mat Let

G N : L’idée de la création d’une entreprise de fabrication de savon remonte de l’époque où j’ai commencé ma formation en chimie à l’université du Burundi en 2000. Originaire d’une région où on exploite le palmier à huile, principale source de matière première pour la fabrication de savon au Burundi, je me suis fixé comme objectif de créer une usine de fabrication de savon à la fin de ma formation. Mon ambition était de créer une grande unité de production, permettant d’assurer la production de qualité et en grande quantité de savon !

Mais mon histoire avec Faso Soap commence par mon arrivée à 2iE pour faire ma formation de Master en assainissement en 2012.Arrivé à 2iE, à ma grande surprise, on a commencé les cours sur la création d’entreprise et la rédaction d’un business plan ! Cette école d’ingénieurs était en effet réputée pour former des « ingénieurs entrepreneurs ». J’étais émerveillé et je réalisais que j’étais arrivé dans un lieu propice au développement de l’innovation. C’est là que l’idée de savonnerie simple s’est transformée en un véritable projet de lutte contre le paludisme.

J’ai rencontré Moctar Dembélé dans un groupe de travail d’un cours de création d’entreprise. J’y ai parlé de mon idée de création d’une entreprise de fabrication de savon et d’y intégrer des substances naturelles permettant de repousser les moustiques dans le but de prévenir le paludisme. Ainsi, le savon n’allait finalement être qu’un moyen au service d’un combat qui avait beaucoup plus de sens.

Après le travail de groupe, Moctar m’a proposé de travailler ensemble pour soumettre mon idée de savon anti-moustique dans une compétition internationale (GSVC : Global Social Venture Competition). J’ai vite accepté cette idée car j’avais déjà en tête de présenter mon projet dans une compétition de plan d’affaires organisés en interne par notre école. Nous avons donc continué à travailler pour structurer le projet et le présenter à cette grande compétition de création d’entreprises sociales … jusqu’à aller jusqu’à Berkeley et y remporter le premier prix ! Je précise à l’attention des lecteurs que je n’ai pas été étudiant à Berkeley comme pourrait laisser croire ma participation à cette compétition. J’y ai seulement remporté un prix avec le projet Faso Soap.

Après la fin de notre Master, Moctar a continué sa carrière professionnelle vers d’autres voies, mais reste tout de même très proche du projet. Je suis aujourd’hui accompagné par l’incubateur d’entreprises sociales La Fabrique, et ai été rejoint il y a quelques mois par Franck Langevin pour développer le projet.

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Illustrations: Les carnets de Mat Let


MSP.COM : Dans quelle mesure votre expérience personnelle en tant que malade du paludisme a-t-elle pu influer sur la découverte du Faso Soap ? Est-ce parce que vous avez à l’instar de nombreux africains, souffert de cette maladie que cette idée est venue ou était-elle dictée par la satisfaction de l’intérêt général ?

G N : Bien qu’ayant été moi-même victime du paludisme à plusieurs reprises, c’est plutôt l’intérêt général qui a motivé de faire de notre combat de tous les jours la lutte contre ce fléau en Afrique Sub-Saharienne.Le paludisme comme disent certains est « une maladie de la pauvreté » car les personnes pauvres sont plus victimes du paludisme à cause de plusieurs raisons.Tout d’abord, parce que les médicaments et les autres produits utilisés pour la prévention tels que les crèmes anti-moustiques, les sprays et les moustiquaires, sont plus chers et donc moins accessibles à la majorité de la population. En outre le manque d’assainissement adéquat favorise le contact entre l’homme et le moustique et par conséquent le taux de transmission du paludisme augmente.Nous voulons réduire le taux de contamination du paludisme de toutes ces personnes vulnérables, en leur proposant un produit qui ne demande pas de changement d’habitude, qui soit accessible et efficace.

MSP.COM : Pourquoi avoir pensé à un savon plutôt qu’à un autre moyen de lutte contre le paludisme?

G N : Le savon fait partie des dépenses et habitudes de tous les ménages africains, du plus pauvre au plus riche. C’est le seul produit qu’on peut rencontrer chez plus de 95% des populations en Afrique Sub-Saharienne.Voilà pourquoi nous avons pensé à un savon anti moustique permettant à la population d’intégrer la prévention contre le paludisme à ses habitudes, sans nécessiter de dépenses supplémentaires. Grâce à lui, les gens pourront se protéger contre le paludisme sans même le savoir !

MSP.COM : Qu’avez-vous ressenti quand vous avez remporté la Global Social Venture Compétition (GSVC) en 2013 ?

G N : Un sentiment de joie de voir mon rêve devenir petit à petit une réalité mais en même temps mélangé de crainte à cause de la lourde responsabilité aux yeux du monde entier qui nous a fait confiance. L’échec n’est pas envisageable.Nous devons tout faire pour concrétiser ce projet.


MSP.COM : Vous avez connu après cette distinction une certaine traversée du désert, notamment des difficultés financières qui ont retardé l’évolution du projet. Comment avez-vous vécu cette période ?

G N : En effet, la suite a parfois été difficile. Après être revenu des Etats-Unis, j’ai poursuivi mes études (il me restait 1 année de Master) et ai consacré mes stages à Faso Soap. Même si nous avons moins médiatisé le projet, nous n’avons pas moins travaillé ! Pendant une année, nous avons travaillé à Ouagadougou puis à Lyon dans une école spécialisée en cosmétique (l’ITECH) sur la formulation des premiers prototypes de savon.

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Illustrations: Les carnets de Mat Let

Par la suite, il fallait tester ces savons en laboratoire, afin d’en valider l’efficacité. En effet, pour formuler et mettre sur le marché un tel produit, les tests et validations à obtenir sont nombreux ! L’idée est simple mais sa concrétisation demande beaucoup de travail et de recherche ! Et tout cela coûte cher. Nous avons donc passé plusieurs mois à rechercher des fonds (entre 30 000 et 50 000 euros pour valider les premières étapes de test).
L’impact social que la concrétisation de ce projet pourra apporter, voilà quelque chose qui me motive chaque matin même si c’est dur ! Toujours je suis resté persuadé du fait qu’à force de persévérer, une porte finirait un jour par s’ouvrir.

MSP.COM : A présent que vous êtes parvenu grâce au crowdfunding à mobiliser les ressources nécessaires, quelle est la prochaine étape et combien coûtera en définitive le Faso Soap ?

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Voici le Faso Soap!!

G N : Il est d’abord important de signaler que le crowdfunding n’est pas terminé ! L’objectif minimum de 30 000 euros a été atteint, mais nous visons 100 000 ! Nous avons jusqu’au 21 mai pour cela (voir https://fr.ulule.com/100000vies/).Le premier palier de 30 000 € va nous permettre de finaliser les tests d’efficacité sur nos prototypes au laboratoire. Avec 60 000 €, nous pourrons effectuer les tests pour évaluer l’impact de l’utilisation de notre savon sur la réduction du paludisme, mais aussi réaliser des études anthropologiques sur le comportement d’hygiène corporelle dans au moins deux pays Sub-Sahariens.

Le dernier palier de 100 000 € nous permettrait d’aller jusqu’à la préparation de la phase pilote de production et de nouer des partenariats avec des industriels et/ou organismes capables de toucher le plus rapidement possible notre cible.Nous voulons sauver d’ici 2018, 100 000 vies du paludisme grâce à ce savon distribué dans les six pays les plus touchés par le paludisme en Afrique Sub-Saharienne ! Vous comprendrez que seuls, on ne peut pas y arriver. Mais entourés des bons partenaires, nous pourrons relever le défi !


MSP.COM : Tout à fait Gérard. Alors une ultime question, pourquoi avoir choisi « Faso Soap » comme nom pour ce savon alors que vous êtes Burundais ? Vos compatriotes ne risquent-ils pas d’être jaloux ? (Rires…)

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Gérard Niyondiko présentant son savon

G N : (Rires) Je ne crois pas. En fait pour nous, le nom importe peu ! La plus-value c’est les résultats, l’impact. Il changera peut être même un jour, mais l’ambition restera toujours la même !


MSP.COM : Infiniment merci Gérard pour cet entretien et bonne chance pour la suite !

G N : Ce fut un réel plaisir.

Propos recueillis par Francis AHLE

 

Pour en savoir plus:

Retenez la définition du paludisme

Informez-vous sur les zones du paludisme dans le monde,

Découvrez le savon anti moustique,

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A propos de Francis Ahlé 7 Articles
Fondateur de Mondesanspalu, Francis AHLE est travailleur social de formation, rédacteur web, journaliste et écrivain. Ayant connu plusieurs épisodes de paludisme au cours de sa jeunesse a l'instar de nombreux autres enfants africains, il en a gardé plusieurs mauvais souvenirs. S'appuyant sur une formidable équipe, il souhaite faire de Mondesanspalu un acteur majeur de la lutte contre le paludisme en Afrique et dans le monde.

1 Comment

  1. Bonjour Faisant suite à votre article publié sur le savon repulsif du burkina en projet.

    Le savon répulsif anti-moustique existe deja depuis plus de 10 ans , il est produit en Côte d’ivoire artisanalement et est très efficace. Depuis cette année nous avons lancé sa commercialisation sur toute l’afrique de l’Ouest , son nom Savon PALUMOUSSE, c’est non seulement un très bon produit répulsif efficace combinant plusieurs plantes répulsives et de l’essence de citronnelle , mais nous avons mis également des plantes médicinales qui aident à combattre le paludisme.

    Le savon 100% naturel est vendu suivant les endroits dans les pharmacies et parapharmacies, les boutiques de quartier ou sur les marchés populaires ….
    retrouvez nous sur facebook: Equipe Palumousse ou Palumousse Saop

    Nous sommes a votre disposition pour tout renseignement complementaires

    Bien Cordialement
    L’équipe Palumousse

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